Pour les Jeudis en poésie
chez Pascale
Livre V
LE LABOUREUR ET SES ENFANTS
Travaillez, prenez de la peine :
C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août.
Creusez, fouillez, bêchez, ne laisse nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le Père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an.
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché.
Mais le Père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor
A PROPOS DE …
Cette fable, d'une rigueur toute classique, presque majestueuse de ton, prend le contre-pied des accusations portées contre un La Fontaine insouciant, paresseux, ami des seuls plaisirs et de la vie facile. Faut-il lui faire crédit? Celui qui voulait pour épitaphe :
Jean s'en alla comme il était venu,
Mangea le fond avec le revenu ...
Voilà qu''il s'instaure défenseur et garant des,<< vertus bourgeoises >>, du labeur de la constance. Le travail est le << fond >>, entendons le << capital >>, qui ne saurait manquer, le véritable << trésor >> ; telle est la leçon que le << laboureur >>, c'est-à-dire le paysan aisé, maître de sa terres, donne à ses fils en héritage.
La Fontaine nous transmet fidèlement ce legs; pourquoi penser qu''il s'en moque ?
L'insouciance qu'il affiche est une élégance de plus, à laquelle se laissèrent prendre les naïfs.
Mais parler de << travail >> n'eût pas été d'un honnête homme …
